A côté, et souvent à partir des petites entreprises traditionnelles de la soie et du textile, des hommes vont faire naître de grandes entreprises qui ont profondément marqué le développement de l'agglomération lyonnaise.
Marius Berliet (né en 1866 à Lyon et mort en 1949 à Cannes) est le fondateur de la marque Berliet, constructeur automobile célèbre pour ses camions, dont la fin de vie est marquée par une condamnation pour collaboration économique sous l'Occupation.
Marius Berliet est le fils d'un fabricant de satin de la Croix-Rousse, spécialisé dans le gaufrage de tissus et les apprêts pour la chapellerie.
Marius Berliet et sa famille appartiennent à la Petite Église de Lyon, groupe de chrétiens traditionalistes qui est né de l'opposition au Concordat de 1801.
De l'autodidacte à l'industriel : 1894 - 1918
Orphelin à 12 ans, il n'a comme diplôme que le certificat d'études. Il se forme par des cours du soir : il y lime, il tourne et il forge et développe son goût pour le bricolage mécanique. En 1894, il bricole son premier moteur dans un local de la propriété familiale et monte sa première voiture, qu'il surnomme la pantoufle, en 1895. Il commence son activité dans un atelier avec seulement deux compagnons.
Marius Berliet, après un premier modèle fabriqué en 1898, se lance dans la fabrication de nouveaux types de moteurs à deux puis quatre cylindres. Ces véhicules obtiennent une réputation favorable dans la région lyonnaise. Mais, pour passer de l'artisanat à l'industrie, Marius Berliet a besoin d'argent. En 1905, une compagnie américaine, l'American Locomotive Company, achète un brevet Berliet en échange de 500 000 francs or. Avec cette somme il agrandit l'usine de Lyon-Monplaisir. C'est à la suite de cet accord qu'il signe ces voitures avec le logo en forme d'avant de locomotive.
En 1906, il commence la fabrication de camions, qui très tôt intéressent l'armée. Sa renommée croît avec la victoire de ces voitures dans des courses automobiles, et en 1910, la présidence de la République lui achète une voiture.
En 1912, après des stages d'ingénieurs aux États-Unis, Marius Berliet taylorise l'entreprise de Monplaisir. La même année, il fournit deux autobus aux Omnibus et Tramways de Lyon.
Durant la Première Guerre mondiale, Marius Berliet obtient de très nombreuses commandes de guerre, en particulier des dizaines de milliers de camions, comme les très robustes CBA, qui alimentent le front, en particulier le long de la Voie sacrée vers Verdun.
En 1915, afin de répondre aux commandes croissantes de camions militaires, il installe ses usines sur un grand terrain à cheval sur les communes de Vénissieux et Saint-Priest. Ce grand complexe sera en développement permanent jusqu'en 1939.
Un management intransigeant et paternaliste : 1918 – 1939.
Devenu un industriel influent dans le paysage lyonnais, Marius Berliet s'insère dans de nombreuses institutions nouvelles. Ainsi, il intègre en 1919 le premier conseil d'administration de l'école de chimie industrielle de Lyon, qui vient alors tout juste de devenir une société anonyme, pour accélérer son développement.
Son usine, au début des années 1920 emploie près de 5 000 ouvriers, qu'il paye un peu mieux que ses concurrents. Marius Berliet façonne son usine en voulant que tout soit contrôlé. Il emploie de nombreux surveillants qui ont le droit de dénoncer et de sanctionner les ouvriers coupables d'une faute au règlement. Le management de Marius Berliet se traduit par une discipline de fer dans l'entreprise, jusqu'aux grèves du printemps 1936, qui se déroulent avant le grand mouvement collectif de mai dans le reste du pays. L'historien Jean-Pierre Hierle évoque un « management solitaire, autoritaire et sans partage ». Parallèlement, la famille Berliet développe des œuvres sociales dans un esprit paternaliste: une crèche Berliet (1917), une cité Berliet (1917), des écoles Berliet, une ferme Berliet comprenant des jardins ouvriers et, sur le stade Berliet, une Union sportive Berliet y compris un club alpin. En 1920-1921, il y eut même un projet de fanfare qui n'aboutit finalement pas.
En 1936, deux vagues de grèves touchent les usines Berliet. En mars et donc avant le grand mouvement de grèves du Front populaire, elle éclate après que Marius Berliet eut licencié une quarantaine d'ouvriers qui revendiquaient. La grève devient générale (4 500 des 5 000 ouvriers y participent) le 17 mars et se heurte à l'inflexibilité de Marius Berliet qui refuse de recevoir les délégations de salariés et procède à un lock-out, en fermant l'usine. Celle-ci ne rouvre que le 31 mars sous surveillance policière; les lock-outés reçoivent un soutien financier de la population et manifestent à plus de cinq mille dans les rues de Vénissieux. Le travail reprend progressivement vers le 18 avril sans que Marius Berliet n’ait jamais accepté de négocier avec la CGT. Il est « hors de question de traiter avec des délégués accompagnés de personnes politiques ou extérieures à l'entreprise qui puisent leurs revendications dans la théorie des soviets » dira-t-il. Cette période laissera, selon les témoins, « un goût d'amertume au personnel » et une « soif de revanche qui aurait été assouvie par la suite ».
Une seconde grève a lieu en juin, en même temps que celles du Front populaire. Une négociation y met fin rapidement.
En avril 1938, une nouvelle grève éclate.
Un « comité pour la reprise du travail » chez Berliet est alors créé par le P.P.F. lyonnais, dont les activités sont financées par le patronat.
Sous l'Occupation
Avec la Seconde Guerre mondiale, Berliet abandonne la voiture et s'oriente vers la fabrication exclusive de poids lourds, camions et autocars.
Après juin 1940, le Gouvernement de Vichy souhaite que les usines du constructeur ne tournent pas au seul profit des commandes de la zone libre en créant une situation de monopole. Berliet livre alors des camions aux Allemands et obtient les matières premières nécessaires pour toutes ses fabrications selon le système mis en place par l'occupant. De toute façon, Marius Berliet approuve. Sa volonté de maintenir les activités des usines l'amène à livrer sans réticences apparentes des véhicules et des pièces à l'occupant. Cela représente le quart de la production de 1940-1941.
La fabrication de gazobois pour le parc de la zone sud sera possible jusqu'en fin 1942, avec la participation, en collaboration avec Vetra, au programme trolleybus initié par Vichy.
Après qu'une grève se soit déclenchée aux ateliers S.N.C.F. d'Oullins, le 13 octobre 1942, contre la désignation d'ouvriers devant partir en Allemagne dans le cadre de la relève, la grève gagne les usines Berliet le 15 octobre. Les ouvriers chantent la Marseillaise. La police occupe alors les deux usines de Monplaisir et de Vénissieux. Le 17, de nombreux ouvriers sont arrêtés. La répression est sévère. À la même époque, Marius Berliet envoie deux de ses fils, Henri et Maurice, travailler en Allemagne avec les ouvriers de l'entreprise. Il déclare que c'est pour être solidaire avec ces derniers. La propagande de Vichy met en avant ce départ exemplaire, « en équipe ».
À partir de l'occupation de la zone libre par les Allemands, Berliet est l'un des derniers constructeurs à fabriquer encore des véhicules pour le G.B.K. (Generalbevollmächtigte für das Kraftfahrwesen), organisme qui contrôle le secteur automobile de l'Allemagne nazie et de l'Europe occupée, dirigé par le colonel Max Thoenissen. Soit une trentaine de camions à essence GDRA 28W par mois malgré le manque grandissant de matières premières.
En mars 1944, le conseil de famille Berliet refuse d'accepter un sabotage de l'usine, qui était suggéré par des émissaires de la Résistance.
En mai 1944, après le bombardement par les Alliés dans la nuit du 1er mai, le maréchal Pétain visite l'usine en compagnie de Marius Berliet.
Selon le comité de confiscation des profits illicites après-guerre, la société a fait, de 1940 à 1944, 502 millions de francs de profit, dont 174 venant du commerce avec l'ennemi.
Condamnation à la Libération.
À la Libération, lors de l'épuration, Marius Berliet, aux idées proches du PPF de Jacques Doriot, est arrêté sur ordre du commissaire de la République (préfet) Yves Farge proche des communistes. Âgé de 78 ans, il est quelque peu malmené par les F.F.I. qui l'ont interpelé et qui le conduisent à la prison Montluc. Selon Paul Berliet, son père a été arrêté par un groupe de résistants espagnols commandés par un cégétiste et exhibé dans un camion à travers les rues de Lyon puis menacé d'exécution. Les deux fils, Paul et Jean, sont incarcérés quelques jours plus tard car ils possèdent des parts en actions dans l'entreprise. « On était à 100 kilomètres de penser que nous étions devant une révolution marxiste » déclarera Paul Berliet.
En effet, ces incarcérations « libèrent la place pour une expérience de gestion ouvrière d'une usine nationalisée », selon Robert Aron. Dès le 5 septembre 1944, le commissaire de la République Yves Farge, « par fidélité avec ce qu'il considère comme l'esprit de la Résistance », réquisitionne les usines Berliet qui deviennent le lieu de « la plus importante expérience de gestion ouvrière » de l'après-guerre et un bastion communiste noyauté par le parti. Si bien que trois ans plus tard, 150 cadres faisant le constat de ne plus avoir de pouvoir de décision se mettent en grève suivis par les techniciens et les agents de maîtrise pendant 42 jours.
En juin 1946, Marius Berliet est condamné à deux ans de prison et à la confiscation de ses biens par la Cour de justice de Lyon pour commerce avec l'ennemi et actes anti-nationaux. On lui reproche de s'être empressé de fabriquer des camions pour l'armée allemande pour maintenir la puissance de l'entreprise, d'avoir ignoré la Résistance (refus des sabotages internes) et par conséquence d'avoir servi l'Allemagne. Il est aussi accusé d'avoir livré indirectement l'un de ses ouvriers à la Gestapo par l'intermédiaire d'un responsable de la sécurité de l'usine milicien, ce qui sera confirmé au cours du procès.
Pour Jean et Paul Berliet, la condamnation est dure, soit cinq ans de travaux forcés. De plus, leurs biens sont confisqués, la confiscation étant limitée à 200 millions de francs. Marius Berliet et ses deux fils sont interdits de séjour dans les départements du Rhône, de Seine-et-Oise et de Seine-et-Marne.
Sa villa, située avenue d'Esquirol à Lyon, construite entre 1913 et 1916 et décorée dans le style Art nouveau par le maître-verrier Jacques Gruber et l'ébéniste Louis Majorelle, devient alors le siège du commandement américain en France puis celui de la Fondation Marius Berliet.
Assigné à résidence, Marius Berliet meurt à Cannes, le 17 avril 1949.
Suite à la décision du conseil d'État qui a jugé illégale la nomination par le ministre communiste Marcel Paul d'un administrateur, les usines sont rendues à la famille le 7 novembre 1949.
Conformément aux principes de la Petite Église, Marius a désigné le chef de famille qui lui succédera : Paul, né en 1918, son avant-dernier enfant. Celui-ci prend les rênes de l'entreprise à partir de 1950 avec le président d'Automobiles Marius Berliet, Émile Parfait (1896-1966).
Vers le milieu des années 1960, l'entreprise connait quelques difficultés, ses parts de marché diminuent, des conflits sociaux éclatent et sa rentabilité baisse. Surtout la concurrence devient plus rude, avec la création quelques années plus tôt de Saviem, filiale de Renault et la perte de contrat d'état ou d'armement. Berliet cherche à s'adosser à un groupe plus puissant.
En juin 1967, Citroën (alors propriété de Michelin) rachète Berliet. Les camions Citroën sont désormais produits chez Berliet.
L'entreprise Automobile Peugeot ayant racheté Citroën, la Régie Renault et l'État demandent en compensation à reprendre Berliet pour le fusionner avec Saviem et former ainsi le principal constructeur français de poids-lourds (l'autre étant Unic). Fin 1974, Renault rachète Berliet qui compte alors un effectif de 24 000 employés.
En avril 1980, les noms de Berliet et Saviem disparaissent définitivement des calandres. Ces deux marques ne forment désormais plus qu'une seule entité : Renault Véhicules Industriels (R.V.I.). RVI appartient aujourd'hui au groupe Volvo.
Les frères Lumière, Auguste, né en 1862 à Besançon et mort en 1954 à Lyon et Louis, né en 1864 à Besançon et mort en 1948 à Bandol, sont deux ingénieurs et industriels français qui ont joué un rôle primordial dans l'histoire du cinéma et de la photographie.
Les frères Lumière sont les fils de l'industriel, peintre et photographe Antoine Lumière.
Inventions
Les frères Lumière ont déposé plus de 170 brevets, essentiellement dans le domaine de la photographie. Ils lancent la commercialisation des plaques photographiques instantanées en 1881. La vente de ces plaques dites Plaques Étiquettes-Bleues a fait leur fortune.
Contrairement à une idée reçue, les frères Lumière n'ont pas réalisé les premiers films du cinéma. En effet, ce sont les Américains, Thomas Edison, l'inventeur du phonographe, et surtout son assistant William Kennedy Laurie Dickson qui tournent, à l'aide de leur caméra, le kinétographe, dès 1891 et avant 1895 quelque soixante-dix films.
En 1894, Antoine Lumière, le père d'Auguste et de Louis, assiste à Paris à une démonstration du kinétoscope, l'appareil qui permet aux films d'Edison d'être vus par un seul spectateur à la fois, mais il assiste également à une projection des premiers dessins animés du cinéma, dessinés par Émile Reynaud qui les présente au public rassemblé dans son Théâtre optique. Pour Antoine, pas de doute : l'image animée est un marché d'avenir, à condition de marier le miracle de l'image photographique en mouvement avec la magie de la projection sur grand écran. Convaincu à son tour, Louis Lumière se lance dans la recherche avec son mécanicien, Charles Moisson. Durant l'été 1894, dans l'usine Lumière de Lyon-Monplaisir, Louis met au point un mécanisme ingénieux qui se différencie de ceux du kinétographe et du kinétoscope. Comme Edison, il adopte le format 35 mm, mais, pour ne pas entrer en contrefaçon avec la pellicule à huit perforations rectangulaires autour de chaque photogramme, brevetée par l'inventeur et industriel américain, il adopte une formule à deux perforations rondes par photogramme (abandonnée par la suite). Inspiré, déclarait-il, par le mécanisme de la machine à coudre de sa mère, où l'entraînement du tissu est assuré à l'aide d'un patin actionné par une came excentrique, Louis dessine une came originale qui actionne un jeu de griffes dont les dents s'engagent dans les perforations, déplacent la pellicule d'un pas, se retirent pendant que le photogramme est impressionné, et reviennent à leur point de départ pour entraîner la pellicule et impressionner un nouveau photogramme. A volonté.
Le 26 décembre 1894, on peut lire dans le journal Le Lyon républicain, que les frères Lumière « travaillent actuellement à la construction d’un nouveau kinétographe, non moins remarquable que celui d’Edison et dont les Lyonnais auront sous peu, croyons-nous, la primeur ».
Avec son mécanisme génial (qui équipe encore actuellement toutes les caméras utilisant le film argentique), s'il n'a pas fait les premiers films, Louis Lumière (et, par contrat, son frère Auguste) est généralement considéré comme l'inventeur du cinéma en tant que spectacle photographique en mouvement projeté devant un public assemblé. Son mécanisme est une amélioration considérable par rapport à celui du kinétographe, où la pellicule était entraînée par un débiteur denté (qui équipe encore aujourd'hui les appareils de projection argentiques) actionné brutalement par une roue à rochet (remplacée plus tard par une croix de Genève ou une croix de Malte, plus souples). D'ailleurs, au début, les frères présentent leur appareil sous le nom de « kinétographe Lumière » ou « kinétoscope Lumière », avant de le baptiser « cinématographe ».
Les frères Lumière prennent ainsi à partir de 1895 une part prépondérante dans le lancement du spectacle de cinéma, prémisses d'une industrie florissante que va notamment développer Charles Pathé. En 1907, les deux frères sont à l'origine de l'obtention de la couleur sur plaque photographique sèche, dite « autochrome », que Louis Lumière, qui paradoxalement n'aime pas le cinéma considère comme étant sa plus prestigieuse invention, celle à laquelle il a consacré plus de dix années de sa vie.
Projections privées et publiques de 1895
Le premier film tourné par Louis Lumière est Sortie d'usine, plus connu aujourd'hui sous le nom de La Sortie des Usines Lumière. Il a été tourné le 19 mars 1895, à Lyon rue Saint-Victor (rue actuellement nommée rue du Premier-Film). La première représentation privée du Cinématographe Lumière a lieu à Paris le 22 mars 1895 dans les locaux de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale. Dans la foulée, Louis Lumière tourne durant l'été 1895 le célèbre Jardinier qui devient plus tard L'Arroseur arrosé. C'est le film le plus célèbre des frères Lumière et la première des fictions photographiques animées (les premières fictions du cinéma étant les Pantomimes lumineuses non photographiques d'Émile Reynaud).
En attendant la première séance publique, on montre le Cinématographe à de nombreux scientifiques. Le succès est toujours considérable. Le 11 juin pour le Congrès de photographes à Lyon, le 11 juillet à Paris à la Revue générale des sciences, le 10 novembre à Bruxelles devant l’Association belge de photographes, le 16 novembre dans l’amphithéâtre de la Sorbonne, etc.
La première projection publique des Lumière a lieu le 28 décembre 1895 au Salon indien du Grand Café de l'hôtel Scribe, 14 boulevard des Capucines à Paris, présentée par Antoine Lumière devant trente-trois spectateurs. Charles Moisson, le constructeur de l’appareil, est le chef mécanicien, il supervise la projection. Le prix de la séance est fixé à 1 franc.
Le programme complet de la première séance publique payante, à Paris, compte 10 films, tous produits en 1895 :
La Sortie de l'usine Lumière à Lyon ("vue" documentaire)
La Voltige ("vue comique" troupier)
La Pêche aux poissons rouges ("vue" familiale : le fils d'Auguste Lumière, alors bébé, pêche dans un aquarium)
Le Débarquement du congrès de photographie à Lyon ("vue" documentaire)
Les Forgerons ("vue" documentaire)
Le Jardinier ("vue comique")
Le Repas de bébé ("vue" familiale : le fils d'Auguste Lumière)
Le Saut à la couverture ("vue comique" troupier)
La Place des Cordeliers à Lyon ("vue" documentaire)
La Mer ("vue" documentaire : baignade de jeunes Citadins)
Le film L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat n'est pas projeté ce jour-là, mais le sera par la suite, remportant un énorme succès.
Six mois après la présentation de décembre 1895, la première projection de films en Amérique avec le Cinématographe Lumière est organisée par Louis Minier et Louis Pupier à Montréal
L'apport de Louis Lumière à ce que le critique littéraire Ricciotto Canudo nomme en 1920 le "7e art", est primordial. Son expérience de photographe lui permet dans l'esthétique de ses films d'aller plus loin que l'équipe Edison-Dickson. Dans ses "vues photographiques animées" (ainsi qu'il dénomme ses bobineaux), qui relèvent du même primitivisme que les premiers "films" américains, il fait preuve cependant d'une maîtrise du cadrage et de la lumière qui explique en grande partie le succès de ses réalisations. Le choix des décors naturels et une belle exposition font que la presse s'exclame : « C’est la vie même, c’est le mouvement pris sur le vif ». Louis trouve très naturelle la position de prise de vue en diagonale du champ par rapport au mouvement des personnages (à cette époque, les films Edison-Dickson ne connaissent que la disposition frontale). Mais il est vrai que ses concurrents et prédécesseurs américains découvrent aussi spontanément l'attrait des cadrages rapprochés (ce qu'on appellera le Plan rapproché et - très justement - le Plan américain), Louis Lumière s'abstenant de se rapprocher de ses sujets, retenu par une pudeur caractéristique de l'époque, une pudeur que ne ressent pas Laurie Dickson qui, lui, plus canaille dans ses choix et ses cadrages, n'hésite pas à mettre sa caméra directement sous le nez de ses personnages. Il faut dire que le tandem Edison-Dickson ne vise pas le même public que les deux frères lyonnais. Les premiers recherchent la clientèle populaire de New-York et de Brooklyn, et celle des villes de l'Amérique profonde, tandis que les frères Lumière cherchent à séduire la clientèle huppée et aisée, celle qui est capable d'acquérir pour son plaisir un exemplaire du Cinématographe Lumière pour filmer la famille, et des bobineaux Lumière déjà impressionnés, pour compléter l'éducation des enfants.
Rapidement, les frères Lumière prennent conscience de l'intérêt de filmer avec leur Cinématographe des images pittoresques de par le monde et de les montrer en projection, ou de les vendre avec l'appareil. Fins commerciaux, ils refusent de céder les brevets de leur invention à Georges Méliès qui leur en offre pourtant une petite fortune. Ils tentent même de décourager ce futur et talentueux concurrent en lui prédisant la ruine s'il se lance dans la production de films (Méliès ferme sa société Star Film en 1923, après avoir gagné énormément d'argent grâce à ses films, et sa ruine est essentiellement due à son incompréhension du devenir du cinéma, et à son obstination à considérer les films comme des sous-produits du music-hall). Les frères Lumière, eux, ont la sagesse de s'arrêter de produire des films en 1902, quand ils comprennent que le cinéma est un langage nouveau dont ils n'ont connaissance ni des règles à venir ni de l'importance qu'il va prendre dans le monde entier. Ce que n'ignore pas Thomas Edison, qui prédit que « le cinéma sera plus tard l'un des piliers de la culture humaine ».
Autres inventions
Auguste et Louis Lumière ont mis au point et commercialisé le premier procédé industriel de photographie couleur : l'autochrome.
Les Lumière inventent la plaque photographique sèche, la photographie en couleur (1896), la photostéréosynthèse (procédé de photographie en relief, 1920) et le cinéma en relief en 1935 (par le procédé des anaglyphes).
Ils sont à la source de bien d'autres inventions ou théories, notamment dans l'univers médical. Auguste Lumière tente en particulier - sans succès, et sa rancœur envers ses collègues apparaît dans ses ouvrages - de diffuser une théorie des phénomènes colloïdes en biologie, théorie qui malgré ses approximations et ses nombreux postulats, développe une idée avant-gardiste de ce que sera l'immunologie moderne.
Il a été recensé 196 brevets + 43 additifs ayant comme titulaire " Lumière " (Brevets collectifs + sociétés Lumière + brevets individuels). Ils sont à la source de médicaments tels que le « Tulle gras » pour soigner les brûlés, la thérapeutique de la tuberculose grâce aux sels d'or et à la Cryogénine, l'Allocaïne…
La demeure de leur père Antoine, de style "Art nouveau" construite entre 1899 et 1902 par les architectes Paul Boucher et Charles-Joseph Alex, située près de leurs anciennes usines, dans le 8e arrondissement de Lyon, est aujourd'hui un musée du cinéma : l'Institut Lumière présidé par le cinéaste Bertrand Tavernier et dirigé par Thierry Frémaux, directeur général de l'Institut Lumière.
Attitude pendant l’Occupation
Louis Lumière s'implique fortement dans le soutien au régime fasciste italien. En effet, le gouvernement fasciste veut lutter contre la prédominance du cinéma américain et il organise pour le quarantième anniversaire de l'invention du cinéma, le 22 mars 1935, un grand gala auquel assiste en personne Louis Lumière.
Ce jour-là, Louis dédicace sa photo : « À son Excellence Benito Mussolini avec l'expression de ma profonde admiration. »
Cette photo et cette dédicace sont publiées en page 3 d'un ouvrage édité à cette occasion, par l'Imprimerie nationale italienne. Il associe son frère Auguste dans « la vive gratitude » qu'il exprime à l'égard des organisateurs fascistes de cette assemblée et dans ce même ouvrage, émanant du secrétariat des Groupes Universitaires Fascistes, il évoque« l'amitié qui unit nos deux pays et qu'une communauté d'origine ne peut manquer d'accroître à l'avenir. »
Le 15 novembre 1940, il écrit, dans Le Petit Comtois :
« Ce serait une grande faute de refuser le régime de collaboration dont le Maréchal Pétain a parlé dans ses admirables messages. Auguste Lumière, mon frère, dans des pages où il exalte le prestige incomparable, le courage indompté, l'ardeur juvénile du Maréchal Pétain et son sens des réalités qui doivent sauver la patrie, a écrit : « Pour que l'ère tant désirée de concorde européenne survienne, il faut évidemment, que les conditions imposées par le vainqueur ne laissent pas un ferment d'hostilité irréductible contre lui. Mais nul ne saurait mieux atteindre ce but que notre admirable Chef d'État, aidé par Pierre Laval qui nous a donné déjà tant de preuves de sa clairvoyance, de son habileté et de son dévouement aux vrais intérêts du pays. » Je partage cette manière de voir. Je fais entièrement mienne cette déclaration. »
Auguste Lumière siégea au conseil municipal de Lyon mis en place par le régime de Vichy en 1941 (il n'y fut cependant presque jamais présent). En juillet 1941, il fit partie du comité de patronage de la Légion des volontaires français (LVF) créée à l'initiative du Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot. Il mit donc « sa notoriété d'inventeur au service de la collaboration armée avec l'ennemi qui pillait, torturait, déportait, fusillait. » Il écrit dans le journal du PPF L'Emancipation Nationale.
Louis Lumière est membre du Conseil national mis en place par Vichy, et fait partie du comité d'action de la LVF, chargé du recrutement à Marseille.
Auguste et Louis Lumière reçurent tous deux la décoration de la Francisque.
En 1995, pour la célébration du centenaire de l'invention du cinéma, la Banque de France voulut honorer les frères Lumière en imprimant le nouveau billet de 200 Francs à leur effigie. L'Amicale des Réseaux Action de la France Combattante protesta : « Les frères Lumière nous inspirent un profond mépris. Ils ne peuvent être honorés sans outrager les victimes de la collaboration. »
À la séance du 24 juillet 1995 du Conseil municipal de Lyon, Bruno Gollnisch, professeur à l’université Lyon-III, représentant le Front national, déclare : « Après Alexis Carrel […], ce sont donc de nouvelles figures illustrant le génie lyonnais qui se trouvent ainsi attaquées. » Auguste Lumière développa des positions eugénistes proches de celles d'Alexis Carrel dont il est très proche au début de la guerre 1914-1918 : il préconisait en effet, croyant à la théorie médicale de la dégénérescence, que les malades tuberculeux soient interdits de descendance afin d'améliorer l'espèce.
L'historien Pascal Ory indique qu'à son avis le soutien des frères Lumière au gouvernement de Vichy n'avait pas dépassé « le stade d'une ou deux déclarations à la presse. »
Longtemps, Lyon a été la ville d'une seule industrie : la soierie. L'histoire commence au XVIIe siècle, au moment où l'activité de négoce s'essouffle avec le déclin des foires. Mais l'envol du secteur de la soierie ne doit rien aux ressources locales : la matière première vient d'Italie ou, pour des tissus moins fastueux, des plantations de mûriers du sud-est de la France. La tradition commerciale de la ville stimule l'épanouissement rapide de cette activité. A la fin du XVIIIe siècle, dans une cité qui compte 150 000 habitants, 9 000 métiers à travailler la soie occupent déjà 30 000 personnes, tandis que plus de 30 000 autres sont employées dans des activités annexes.
Au cours du XIXe siècle, la soierie connaît une double délocalisation, sans que le contrôle de Lyon ne soit remis en cause. D'une part, les fabricants se contentent de moins en moins d'un rôle de donneurs d'ordres auprès des canuts, ces façonniers formellement indépendants et propriétaires de leurs métiers, installés dans leurs étroits ateliers sur les pentes de la Croix-Rousse. Ils construisent progressivement leurs propres usines, dispersées dans une dizaine de départements de la région, du Gard à la Saône-et-Loire, de l'Isère à la Loire ; les fabricants recrutent ainsi une main-d’œuvre d'origine rurale réputée plus docile que les canuts. D'autre part, pour se rapprocher de la clientèle du luxe, ils doivent implanter des succursales de vente à Paris et dans de grandes villes étrangères comme Londres ou New York. Mais les sièges sociaux des maisons de soierie restent au pied la Croix-Rousse, entre la place Tolozan et la place des Terreaux. Exemple unique de concentration géographique à l'échelle d'une branche, l'industrie française de la soierie devient même une affaire exclusivement lyonnaise. Les autres centres français - Tours, Avignon, Nîmes... - disparaissent. Le monopole s'étend même à toute l'Europe : la concurrence des soieries prussiennes, suisses ou anglaises ne fait guère le poids. Naturellement, face aux fortes tentations protectionnistes de la France de la fin du XIXe siècle, Lyon s'affirme comme le grand pôle de défense d'un libre-échange auquel la ville a tout à gagner.
Bien sûr, d'autres industries se sont développées à Lyon, mais la fabrique de soierie pèse d'un poids considérable : en 1892, son chiffre d'affaires est estimé à 45,6 millions d'euros, contre 11,5 millions pour l'ensemble de la métallurgie et de la construction mécanique, 11 millions pour la chimie, 8,8 millions pour le cuir. Ces autres industries sont d'ailleurs pour partie en relation avec la soierie. Les fournitures pour l'industrie textile occupent une place importante : Teste fabrique des aiguilles avant de s'étendre à la tréfilerie ; Verdol, des métiers à tisser ; Buffaud & Robatel, des essoreuses ou décanteuses pour la teinture. De même, la chimie lyonnaise s'est d'abord développée autour des matières colorantes végétales puis minérales, des agents blanchissants (le bleu d'outre-mer, inventé par Jean-Baptiste Guimet), ou plus largement dans la production d'acides qui trouvent un usage important dans le textile. Un lien étroit existe aussi avec le secteur financier : des marchands de soies comme Guérin, des commissionnaires comme Galline ou Morin-Pons, sont devenus banquiers en pratiquant l'escompte des traites commerciales. En 1863, ces banquiers négociants s'associent avec d'autres notables locaux, tel le commissionnaire en soieries Arlès-Dufour, pour fonder le Crédit lyonnais. Ils en confient la gestion à un avocat sans cause, Henri Germain, qui en fait une grande banque nationale. En 1881, ces mêmes banquiers soyeux prendront le contrôle de la Société lyonnaise de dépôts et de crédit industriel (actuelle Lyonnaise de banques).
La soierie est alors à l'apogée de sa puissance. En 1885, sous l'égide du fabricant Léon Permezel, elle réalise l'unité de l'industrie et du commerce lyonnais au sein d'une Union des chambres syndicales qui défend son autonomie face aux tentatives parisiennes de création d'une organisation interprofessionnelle nationale. Elle s'assure une influence prépondérante dans les institutions consulaires par la présentation de listes uniques sur lesquelles elle s'attribue la majorité des sièges. Les grands présidents de la chambre de commerce, les banquiers Oscar Gallin et Edouard Aynard, le fabricant de tulles et dentelles Auguste Isaac, donnent une audience nationale à l'engagement libre-échangiste de la place lyonnaise. En politique, ces libéraux défendent une orientation modérée qui s'efforce, dès la fin des années 1880, de concilier ralliement à la République et convictions religieuses, face à la double opposition des catholiques intransigeants et des républicains laïcs. Ils trouvent en 1903, avec la création de la Fédération républicaine, le cadre d'une expression politique nationale. Leur influence locale est cependant limitée au plan électoral. La mairie de Lyon leur échappe au profit d'une coalition des radicaux et des socialistes.
Malgré l'ancienneté de cette industrie, les soyeux ne constituent pas un monde fermé. A côté des vieilles dynasties comme les Guérin, les Gindre ou les Tresca, ils intègrent de nombreux transfuges : Auguste Isaac est originaire de Calais, le marchand de soies Ulysse Pila vient d'Avignon. Le plus bel exemple d'intégration est celui de Sigismund Lilienthal. Ce fils d'un négociant juif de Schwerin (Prusse) arrive à Lyon à 25 ans en 1859, monte une prospère maison d'importation de soie japonaise. En 1865, il obtient la nationalité française. En 1869, il est cofondateur et secrétaire de l'Union des marchands de soie. Dès 1878, il représente sa corporation à la chambre de commerce. Les transformations économiques de la fabrique permettent l'émergence tardive de nouvelles maisons - Bianchini-Férier, Ducharne, Coudurier, Fructus & Descher - qui dominent ensuite la branche dans l'entre-deux-guerres.
Dans le premier tiers du XXe siècle, le déclin de la soierie est relatif. Le développement d'autres industries lui fait seulement perdre sa prééminence. La chimie, avec la formation en 1895 d'une grande entreprise, la Société des usines chimiques du Rhône, s'étend bien au-delà des produits auxiliaires textiles, en direction de la pharmacie (Givaudan-Lavirotte), de la chimie minérale (Coignet) ou des produits photographiques (Lumière). Avec le prêt-à-porter apparaissent des manufactures intégrées de confection. Et la fabrication de textiles artificiels connaît un développement très rapide.
Les fortunes de la soierie sont placées dans d'autres industries. La présence à Lyon d'une Bourse et de grandes sociétés par actions comme Pechiney, Le Gaz de Lyon ou la Compagnie générale de navigation offre d'intéressantes opportunités. A partir de leur position dominante dans la teinture sur soie, les Gillet étendent leurs activités à la chimie (Progil) et aux textiles artificiels (Soie artificielle d'Izieu), avant de prendre le contrôle dans les années 30 de l'ensemble de l'industrie de la teinture textile française (Gillet-Thaon). Alors que la soierie lyonnaise combat l'appellation "soie artificielle", dont elle obtiendra l'interdiction en 1934, des soyeux comme Henri Morel-Journel (marchand) et Camille Roche de La Rigaudière fondent en 1923, avec un descendant Lumière, la Société lyonnaise de soie artificielle.
La soierie est durement frappée par la crise des années 30, les exportations s'effondrent. L'alternative représentée par le textile artificiel connaît aussi un recul que seuls les Gillet ont les moyens de surmonter. Durant la guerre, l'industrie lyonnaise profite de sa position protégée en zone non occupée et le commerce avec les Allemands permet à quantité d'entreprises de réaliser de bonnes affaires. En revanche, l'accès à de nombreuses matières premières importées (soie, coton, caoutchouc...) devient impossible, et les marchés à l'exportation se ferment.
Après-guerre, la soierie s'enferme dans une niche de luxe et la disparition de l'empire colonial lui fait perdre des débouchés importants. La capitale régionale n'apparaît plus que comme un centre intermédiaire de pouvoir économique. Par exemple, le Groupe Gillet se dissout dans les années 60 au sein de Rhône-Poulenc pour les textiles artificiels et la chimie, puis dans les Chargeurs réunis pour la teinture en 1976. Mais, à la différence du bassin stéphanois, enfermé dans le déclin de ses industries de base, cette transformation des structures de l'économie locale s'est faite sans drame social. Les emplois perdus dans le textile ont largement été compensés par la croissance d'industries ou de services nouveaux. Lyon n'est plus maître de son destin, mais l'ancienne cité de la soie a trouvé sa place dans la mondialisation.
Hervé Joly, 1 juin 2002 dans "lexpansion.lexpress.fr"
Il est né le 10 décembre 1813 à Bully dans les Monts du lyonnais de parents paysans et analphabètes. Il est l’aîné d’une famille de trois enfants. Cette famille modeste n’étant pas en mesure de fournir du travail à la génération suivante, François débute un apprentissage de tisseur en milieu rural, puis il le poursuit chez un cousin teinturier en soie, installé rue des Trois-Maries à Lyon, spécialisé dans les soies teintes en noir.
Un teinturier en soie
Après être passé chez d’autres maisons de teinture, François Gillet s’associe en 1838 à Alexandre Bertrand, autre ouvrier teinturier, pour exploiter, à la Guillotière, un atelier de teinture. Cinq mois après, la société est dissoute, mais François Gillet a goûté à l’entreprise et se lance à nouveau dans les affaires en s’associant avec les frères Pierron dont il épouse la sœur, Marie, le 31 mai 1840. Le beau-père aide la jeune association en prêtant de l’argent à son gendre. L’entreprise est à l’image du ménage, prospère. La première, de trois ouvriers en 1840, en emploie une trentaine en 1846, quant au ménage il a huit enfants dont trois décèdent en bas âge. Les deux fils, Joseph-Louis, né en 1843, et François, né en 1846, sont rapidement associés à la fabrication. Dans ces années 1840, l’atelier migre à la suite des inondations de 1840 des Brotteaux, d’abord pour le quai Pierre Scize, puis ensuite pour le quai de Serin, au pied de la Croix-Rousse. La spécialisation dans la teinture des soies noires, très demandées sous le Second empire, prouve la capacité de François Gillet à répondre au marché. Le noir de la teinturerie Gillet-Pierron relève d’une alchimie complexe où sont mélangés le Bleu Raymond, des sels de fer et du cachou, auquel il substitue dans les années 1850 du henné, obtenant un noir africain. Le noir obtenu est profond, intense et séduit les soyeux, dont Claude-Joseph Bonnet. Ce noir, véritable secret de fabrication, est à la base de la fortune de la famille. L’atelier de Serin passe alors à quatre-vingts ouvriers.
De l’atelier à la grande entreprise.
Les années 1860 sont celles de la consécration dans la profession et l’entreprise, et non plus l’atelier, voit son chiffre d’affaires multiplier par 3 en dix ans pour atteindre les 6 millions de francs en 1873, ce qui fait que François Gillet est devenu, sur la place de Lyon, la plus grosse entreprise de teinturerie. Ce résultat a été obtenu par un énorme travail familial qui faisait « de la nuit le jour », un souci d’économie hors pair, une excellente intuition des marchés et une capacité à évoluer techniquement. Pour s’adapter à la concurrence suisse et allemande et ne pas rater le passage aux colorants artificiels, il envoie son fils Joseph à l’école de chimie de Wiesbaden au début des années 1860. De plus, il embauche techniciens sortis de la Martinière et ingénieurs de l’Ecole centrale. L’entreprise Gillet a plusieurs usines qui pratiquent l’intégration vers l’amont. En dehors de l’usine de Lyon et celle d’Izieux (Loire) créée en 1865 qui pratiquent la teinture, celle de Grésin (Savoie) fabrique des extraits de châtaignier et surtout l’usine de Vaise en 1871 où sont produits des tanins végétaux à partir du campêche du Mexique, du quebracho du Brésil et du cachou du Bengale, mais aussi des sels métalliques. L’ensemble des sites emploie 1200 personnes dans les années 1880. En 1862, François Gillet se retire de l’association avec les frères Pierron et se lance seul dans l’aventure industrielle, à laquelle il associe, de façon progressive ses deux fils entre 1864 et 1869, dont le fils aîné, Joseph, l’emporte en responsabilité et en parts du capital sur le cadet. Le 1er janvier 1869 est créée la Société Gillet et fils au capital de 900000 francs, dont les deux-tiers appartiennent au père. François Gillet, dans ces années 1860 qui sont celles du bond en avant de l’économie française sous le second Empire, noue des relations d’affaires avec des entrepreneurs du textile du Nord de la France.
Un fondateur de dynastie industrielle éloignée des honneurs
En bon chrétien et digne émule du catholicisme social, il a ses œuvres d’assistance, construit une église à Serin, actuellement quai Joseph Gillet. Il est persuadé que le peuple doit être encadré sur le plan social. Il crée une école d’apprentissage et une école de jeunes filles. Il fait partie de l’Association catholique des patrons de Lyon.
Proche d’Aynard, il innove en dispositions sociales en instaurant une caisse de retraite, mais aussi en établissant une sorte d’intéressement aux bénéfices pour ses salariés. Intéressé par la bonne marche de son entreprise, il ne vise pas les honneurs politiques, mais n’est-ce pas plutôt la République qui, une fois installée à la fin des années 1870, se méfie de ce patron « bonapartiste et clérical », décoré de la Légion d’honneur en 1874 en plein ordre moral ! Ce patron moderne n’est nullement antirépublicain, surtout après l’épisode de la Commune qui a vu la République réprimer le peuple soulevé. En 1887, François Gillet se retire juridiquement de la société en nom collectif. Ses deux fils refondent alors une nouvelle Société Gillet et fils où, cette fois, c’est Joseph qui détient la majorité. L’entreprise Gillet traverse sans trop de problèmes la Grande dépression de la fin du 19ème siècle, s’agrandit en fondant à Villeurbanne une immense usine de 13 hectares, mais aussi en rachetant des entreprises de teinturerie plus modestes un peu partout en France. A la mort de François, le 18 octobre 1895, soit 3 ans après celle de sa femme, la succession est évaluée à plus de 6 millions de francs où, à côté des actions, obligations et du compte courant, les biens immobiliers, en particulier les propriétés autour de Bully, représentent les 2/3, prouvant ainsi que François Gillet a pris sa revanche sociale en devenant le « châtelain » de son village natal. Sa fortune est modeste en comparaison de celle de ses fils dont le capital personnel en 1895 est aussi de 6 millions de francs.
Il est un représentant atypique de l’entrepreneur lyonnais, car, en une génération, il a bâti une entreprise de taille nationale. Il incarne, au cours du 19ème siècle, la réussite et le dynamisme de l’industrie lyonnaise. De plus, sous son fils Joseph-Louis (1843-1925), l’entreprise passe un cap pour devenir une très grande entreprise où les textiles artificiels, mis au point par le comte de Chardonnet, prennent une place de plus en plus grande.
Dopée par la Grande guerre, Joseph Gillet participe avec Victor Grignard à la relance de l’Ecole supérieure de chimie industrielle de Lyon et prend des participations industrielles en entrant dans le capital des Usines du Rhône et de Kuhlmann. C’est sous la direction d’Edmond (1873-1931), fils aîné de Joseph-Louis, que l’entreprise Gillet participe à la création de Rhône-Poulenc en 1928. Quant aux deux autres frères, Paul est l’homme de Progil (1920) et Charles, celui des textiles artificiels, futur C. T. A. (Comptoir des textiles artificiels), puis Rhodiaceta. L’aventure des Gillet est une parfaite illustration de l’esprit entrepreneurial lyonnais qui a marqué cette ville depuis ses origines.
La Villa Gillet
Dès 1853, les Gillet, cherchent des terrains pour y implanter leurs usines. Ils investissent notamment à Vaise et précédemment sur des terrains en bord de Saône, au pied de la colline de la Croix Rousse, actuellement sur le quai Joseph Gillet, anciennement quai de Serin. Dès1880, l'usine de teinturerie du quai de Serin fabrique les « flottes en noir ».
Comme il est de mise au cours du XIXe siècle, le patron doit s'installer près de ses usines afin d'y veiller paternellement. La famille fait construire la Villa Gillet en 1912 sur les hauteurs qui surplombent les usines du quai.
La Villa Gillet est située dans le Parc de la Cerisaie. Œuvre de l'architecte lyonnais Joseph Folléa (1867-1927), cette villa fut construite en 1912 pour une famille d'industriels de la teinturerie, les Gillet, qui la vendirent à la ville de Lyon en 1976 à la mort de Paul Gillet. Elle est ornée d'une frise animalière peinte en 1913 par Louis Bardey (1851-1915).
À la mort de Paul Gillet, ses héritiers cèdent la villa à la ville de Lyon.
La Villa Gillet est aujourd’hui
une institution culturelle qui s’intéresse à toutes les formes de
la culture : littérature, sciences humaines, politiques et sociales, histoire, arts contemporains, etc. Elle rassemble artistes, écrivains, romanciers et chercheurs du monde entier pour
nourrir une réflexion publique autour des questions de notre temps à l’occasion de conférences, débats, tables rondes, et lectures. La région Rhône-Alpes contribue pour partie à son fonctionnement, elle est dirigée
par Guy Walter.
Rhône-Poulenc (RP) était un roupe chimique et pharmaceutique d'origine française issu en 1928 du rapprochement de la Société chimique des usines du Rhône et des établissements Poulenc frères.
Au cours de ses soixante-dix ans d'existence, Rhône-Poulenc s'est imposé comme le premier groupe privé de chimie français et, à son apogée, dans les années 1960, il comprenait une soixantaine d'usines en France et plus de cent mille employés à travers le monde. Mais la crise de l'industrie française et du textile en particulier l'a poussé à se recentrer sur la pharmacie puis l'a condamné à disparaître, en 1998, quand ses activités chimiques sont devenues Rhodia et sa branche pharmaceutique a fusionné avec Hoechst pour donner naissance à Aventis.
Les grandes dates de Rhône-Poulenc :
15 juillet 1895 : création de la Société chimique des usines du Rhône (SCUR) ;
1900 : création de la société anonyme les établissements Poulenc frères par les trois fils du pharmacien et chimiste Étienne Poulenc (1823-1878) : Gaston (1852-1948), Émile (1855-1917) et Camille (1864-1942) ;
19 décembre 1919 : création près de São Paulo d'une filiale chimique au Brésil, la Companhia Quimica Rhodia Brasileira, spécialisée dans les « Rodos », tubes lance-parfums très populaires dans les carnavals brésiliens ;
1922 : création, par les usines du Rhône, de Rhodiaséta ;
1927 : acquisition, par les usines du Rhône, de May and Baker (Grande-Bretagne) ;
28 juin 1928 : Après dix-huit mois de difficiles négociations, création de la Société des usines chimiques Rhône-Poulenc : la Société chimique des usines du Rhône absorbe les établissements Poulenc frères, plus petits mais plus rentables. Création de la Spécia, Société parisienne d'expansion chimique ;
1929 : création d'une filiale textile au Brésil, la Companhia brasileira de Sedas Rhodiaseta ;
1936 : c'est la huitième capitalisation boursière française, après la montée en puissance des sociétés industrielles françaises à la Bourse.
1948 : installation aux États-Unis d'une filiale, Rhodia Inc., après une première tentative infructueuse en 1919 ;
1956 : acquisition de Théraplix ;
1961 : absorption de Celtex ;
1963 : acquisition du laboratoire Roger Bellon ;
1967 : l'Institut Mérieux entre dans le capital du groupe Rhône-Poulenc ;
1979 : rapprochement entre l'Institut Mérieux et Pasteur production ;
1982 : nationalisation (jusqu'en 1993), ce qui sauve le groupe en difficulté et permet de moderniser certains de ses sites ;
1983 : acquisition de Pharmuka ;
1986 : acquisition de Natterman (Allemagne) ;
1988 : acquisition de Bottu ;
1989 : acquisition de Connaught (Canada) ;
1990-1991 : acquisition de Rorer (États-Unis) ;
1993 : privatisation avec recentrage, sous la présidence de Jean-René Fourtou, de cent soixante à trente-cinq produits ;
1993 : absorption de Pasteur-Mérieux, et acquisition de Applied Immune Science ;
1994 : acquisition de Cooper ;
1995 : création de RPR Gencell et acquisition de Fisons (Grande-Bretagne) ;
1996 : apport de Armour et création avec Behring de Centeon ;
1998: Création de la société Rhodia, qui regroupe toutes les activités chimiques du groupe. Rhône-Poulenc S.A. ne regroupe que les activités pharmaceutiques ;
20 décembre 1999 : fusion avec le groupe Hoechst Marion Roussel pour créer Aventis.
La Seconde Guerre mondiale
Avant la déclaration de guerre, le groupe a connu une période de relations techniques, scientifiques, industrielles et commerciales avec l'industrie chimique allemande, et notamment avec IG Farben, qui se sont traduites par des échanges de brevets, des ententes et des accords divers. La concurrence n'a pas cessé durant la guerre, mais les interlocuteurs industriels sont restés semblables et ont poursuivi les négociations, réamorcées en 1940, dans la continuité de celles qui avaient lieu avant guerre.
La Seconde Guerre mondiale éclate et le groupe subit des mises sous séquestre et se voit confisquer ses biens à l'étranger. Il reste toutefois relativement indépendant car une grande partie de ses actifs sont situés en zone libre et l'industrie chimique allemande ne semble pas avoir vraiment souhaité prendre de participation au capital du groupe français. Mais alors le groupe produisait pour l'effort de guerre, l'industrie allemande, via le puissant cartel allemand IG Farben, entreprend (octobre 1940) des négociations avec la SUCRP. Le négociateur était Faure-Beaulieu, ami de la famille Mann, principale propriétaire de Bayer. Faure-Beaulieu relaie une proposition de Bayer consistant à créer une nouvelle société qui commercialiserait en France les produits pharmaceutiques de trois groupes : Rhône-Poulenc, Spécia (branche pharmaceutiques de Rhône-Poulenc) et Bayer. Cette proposition est refusée par le conseil d’administration de Rhône-Poulenc : « Nous ne pouvions accueillir favorablement une telle proposition, mais pour marquer notre désir de collaboration, nous avons consenti à envisager l'octroi d'une redevance sur le montant des ventes de certains produits dont l'I.G. revendique la découverte et que, tant en raison de la législation française que de leur ancienneté, nous considérions, à juste titre comme tombés dans le domaine public ». Ce même conseil parle, à propos de négociations faites le 24 février 1941 par Nicolas Grillet, M. Bô, et P. Barrai (à Cologne), de discussions qui « se sont poursuivies dans une atmosphère cordiale », bien que Bayer eût menacé quelques mois plus tôt de proposer aux autorités allemandes de prendre le contrôle du groupe français.
En novembre 1940, un des négociateurs de Rhône-Poulenc, N. Grillet
(directeur général) et habitué des négociations avec les Allemands,
propose d'étendre la collaboration industrielle aux pesticides (on parlait à l'époque de « protection de végétaux »), matières plastiques, résines de synthèse, et au caoutchouc
synthétique dont la demande était en pleine croissance. Les négociations ont finalement abouti à trois accords et à la fin de l'obligation, pour Bayer, de payer Rhône-Poulenc comme l'imposait un
accord du 24 novembre 1929, sur le partage des brevets sur la Germanine et le Moranyl. Dans le contexte d'occupation allemande, Rhône-Poulenc et Spécia se voient obligés de verser
chaque année des sommes importantes à Bayer pour des droits de vente sur des produits pour lesquels Bayer n'était pas titulaire de brevets (1.225.135 francs versés par exemple en 1941 de Rhône-Poulenc à Bayer
et 8.467.610 francs versés par Spécia cette même année et qui seront respectivement de 886.234 francs et 12.991.585 francs en 1942, puis
de 878.985 francs et 14.269.258 francs en 1943).
S'étant diversifié dans les domaines du textile (crin pour brosse, le fil de pêche en Nylon mais surtout fibre textile pour les bas, sur la base de brevets achetés à Dupont
de Nemours en 1939, avec une première filature à Lyon-Vaise sur des machines arrivées en 1940) et de la pharmacie (production
de pénicilline dont la production à partir de cultures de
champignons a été suggérée par le directeur scientifique R. Meyer après qu'il eut lu un article suisse en évoquant les bons résultats de tests faits en Angleterre de traitements par la
pénicilline), le groupe reste un concurrent majeur à la sortie de guerre.
Le 28 décembre 1940 (fait effacé des archives de Rhône-Poulenc), le gouvernement français a validé la constitution d'une société France-Rayonne permettant à la chimie allemande de pénétrer le secteur français du textile synthétique. Un tiers des capitaux provenaient de l'industrie allemande et en 1942, Rhodiaceta s'engage à souscrire 150 000 actions de cette société qui s'installe dans l'ancienne usine de soie au cuivre de Roanne (construite en 1926). Un accord entre l'I.G. et Rhône-Poulenc (également non retrouvé dans les archives de Rhône-Poulenc) visait la construction d'une usine de caoutchouc de synthèse (qui en a produit 12 000 tonnes en 1945 (sans que les autorités françaises aient entériné le projet).
Le gouvernement allemand impose à la DAR (Deutsche Acetatkunstseiden A.G. Rhodiaceta) une introduction allemande de 51 % au capital lui donnant le pouvoir sur l'entreprise.
Le manque de matières premières induit par la guerre favorise les matières synthétiques. Le groupe produit ainsi des thermoplastiques cellulosiques (Rhodoïd Rhodialine, Rhodialite (poudres à mouler), Rhodoline (résine synthétique), des résines polystyroléniques (utilisés pour produire de nouveaux vernis et enduits), des résines vinyliques (Rhodopas, Rhodoviols, Rhovinal) remplaçant le cuir et le caoutchouc. C'est le début (à Saint-Fons puis à Roussillon) de la production industrielle de chlorure de vinyle qui deviendra un des atouts majeurs de la chimie des plastiques de la fin du XXe siècle.
Après la Seconde Guerre mondiale
Dans les années 1990, le groupe est un des leaders mondiaux de la pharmacie et de la chimie. Il est le premier groupe français dans ces domaines.
Rhône-Poulenc Rorer
En 1991, Rhône-Poulenc rachète le groupe pharmaceutique américain Rorer (1910) pour rassembler toutes ses activités pharmaceutiques dans une société nouvellement formée, qui prend le nom de Rhône-Poulenc Rorer (RPR), basée à Fort Washington, en Pennsylvanie. Les activités chimiques sont distribuées entre RP chimie, RP agrochimie et RP fibres et polymères. En 1995, l'entreprise relance ses actions de développement externe, à travers des coentreprises (notamment avec Fiat dans le secteur des fibres et DuPont dans celui de la pétrochimie), et des acquisitions (dont celles du groupe Mérieux ou du britannique Fisons plc).
Aventis
En décembre 1999, Aventis naît de la fusion de la branche pharmaceutique de Rhône-Poulenc Rorer (1991) avec Hoechst Marion Roussel (1997), lui-même fruit de l'union de l'allemand Hoechst (1863), de l'américain Marion Merrell Dow (1994), et du français Roussel-Uclaf (1911).
Rhodia
Toutes les activités chimie sont filialisées et cotées en bourse sous le nom de Rhodia, en 1998. C'est l'un des noms historiques du groupe Rhône-Poulenc.
Aventis CropScience
La branche agrochimie basée à Lyon, est devenue Aventis CropScience. C'est le leader mondial du secteur depuis la fusion avec Hoechst. Considérée comme non stratégique pour le groupe, elle est revendue au groupe Bayer en 2002, et prend le nom de Bayer CropScience.
Sanofi Aventis
En 2004, Sanofi-Synthélabo absorbe Aventis pour former Sanofi Aventis.
Avant cette fusion, les activités de Rhône-Poulenc se répartissaient en cinq grands secteurs :
pharmacie ;
santé animale (produits vétérinaires) ;
Secteur de la santé végétale (pesticides dont pour la phytopharmacie : insecticides, fongicides) ;
chimie, polymères ;
textiles et fibres synthétiques (Rhodiacéta, la Cellulose, Novacelle...)
On doit notamment à Rhône-Poulenc la découverte de nombreux médicaments, de nombreuses matières plastiques et chimiques. Certains produits ont fait l'objet de débats, comme le fipronil, matière active de certains insecticides tels que le Régent TS.
Son dernier président fut Jean-René Fourtou qui, après avoir fortement réorienté le groupe vers la pharmacie au détriment de la chimie, fut le maître d'œuvre de la fusion avec Hoechst.
Les PDG du groupe :
François Albert-Buisson : 1935-1959
Marcel Bô : 1959-1963
Wilfrid Baumgartner : 1963-1973
Renaud Gillet : 1973-1979
Jean Gandois : 1979-1982
Loïk Le Floch-Prigent : 1982-1986
Jean-René Fourtou : 1986-1998 (il reste président d'Aventis jusqu'en 2002)
Chiffres clés du groupe :
Le groupe est nationalisé en 1982 et privatisé le 16 novembre 1993. Son effectif moyen est à cette période de 80 000 salariés, répartis principalement entre la France, l'Allemagne, la Suisse, la Grande-Bretagne, les États-Unis, le Brésil, le Maroc et la Chine. Son chiffre d'affaires moyen est alors de 80 milliards de FF.
Sites industriels de Rhône-Poulenc
Site de Vitry-sur-Seine, centre industriel principal des établissements Poulenc frères depuis 1909, puis centre de R&D et de production de la Spécia (Société Parisienne d'expansion chimique), branche pharmaceutique de Rhône-Poulenc. Actuellement, centre de biotechnologie et R&D de Sanofi.
Site de Saint-Fons, centre industriel de 25 hectares, où Rhône-Poulenc et la Spécia produisaient l'essentiel de la production pharmaceutique française.
Sites chimiques, installé au Sud de Lyon, plus exactement sur la commune de Saint Fons sur les rives du Rhône tout près de la raffinerie de Feyzin, toujours dans le département du Rhône.
Le Crédit lyonnais, connu sous le nom LCL depuis 2005, est une banque française fondée à Lyon en 1863 par François Barthélemy, Arlès-Dufour et Henri Germain.
Considérée comme l'un des trois piliers de l'industrie bancaire française, avec la BNP Paribas et la Société générale, elle est aujourd'hui détenue par le Crédit agricole.
Création 1863 - 1882
Une banque d'inspiration nouvelle
C'est à Lyon qu'Henri Germain, fils de soyeux âgé de 39 ans, fonde le 6 juillet 1863 une banque à vocation locale mais d'inspiration nouvelle : le Crédit lyonnais. Ses associés sont des hommes d'affaires et soyeux lyonnais à l'instar de Henry Jaubert, de Joseph Bellon, mais également de Genevois, des saint-simoniens comme Arlès-Dufour, Enfantin, Talabot et Chevalier, des personnalités, tel Eugène II Schneider. Cette création est liée à la deuxième révolution bancaire du milieu du XIXe siècle, qui voit une nouvelle génération de banques d'inspiration saint-simonienne organiser la collecte systématique de l'épargne dormante du grand public et la drainer vers des emplois industriels ou vers le marché financier. Le Crédit Lyonnais a une croissance très rapide au cours de ses 20 premières années d'existence, son capital étant passé de 8 à 200 millions de francs, au cours d'une époque de fortes spéculations à la Bourse de Paris. En 1880, alors que la banque n'existe que depuis 17 ans, elle accueille une "Bourse du soir" organisée par les coulissiers, dans le grand hall du Crédit Lyonnais, qui permet d'échanger des valeurs après la clôture.
Un axe stratégique : Londres, Paris, Lyon et Marseille
Le passé bancaire et commercial de Lyon et le potentiel industriel de la région pouvaient assurer la prospérité locale de l'établissement. Le Crédit lyonnais prit cependant pied à Paris et à Marseille, en y implantant deux succursales dès 1865, année où il comptait déjà près de 10 000 déposants. La jeune banque traverse sans trop de séquelles les crises de 1866 et de 1870. Cette même année, le siège de Paris par les Prussiens pousse Henri Germain à ouvrir une succursale à Londres, capitale financière mondiale. Le Crédit lyonnais commence également à développer un réseau d'agences dans la région lyonnaise afin de collecter au plus près ses ressources.
Une banque d'affaires aux succès durables
Le Crédit lyonnais, établissement grand public se comporte aussi en banque d'affaires, en créant des entreprises ou en y prenant de fortes participations : si le lancement de l'usine de la Fuchsine à Lyon aboutit à un échec en 1870, le Crédit lyonnais compte de beaux et durables succès comme la création en 1879 de la Lyonnaise des eaux et de la Société foncière lyonnaise. Cette année-là, la banque prend aussi le contrôle de deux compagnies d'assurances ; le Crédit lyonnais se fait une place sur les marchés financiers en contribuant au placement de l'emprunt de libération du territoire en 1871, en émettant des emprunts pour les villes de Paris et de Lyon.
L'extension du réseau
Le développement rapide du Crédit lyonnais lui permet d'abandonner en 1872 le statut de SARL pour celui de société anonyme, ce qui lui donne la possibilité d'augmenter notablement son capital ; dès 1878, il accède au rang de première banque française. Alors qu'il est encore absent de certaines grandes villes françaises, son réseau étranger compte déjà à cette époque les agences de Londres, Constantinople, Alexandrie, Genève, Madrid et bientôt Saint-Pétersbourg. En 1879, le Crédit lyonnais se lance à la conquête de la clientèle parisienne en créant 23 bureaux de quartier dans l'année. Puis vient le tour des autres régions françaises, à partir de 1880.
La « doctrine Germain » naît d'un krach
L'expansion croissante du Crédit lyonnais connaît un coup d'arrêt en 1881-1882 avec le krach de l'Union générale dû à une spéculation boursière effrénée. Henri Germain sent venir la crise dès 1881 et s'attache à réduire les crédits et les immobilisations ; le Crédit lyonnais peut alors faire face aux demandes de retraits de ses clients. La « doctrine Germain » sur la liquidité et la sécurité des emplois tiendra longtemps lieu de règle de conduite à l'ensemble des banques de dépôts. Elle est fondée sur un principe : « les ressources à court terme ne peuvent financer des emplois à long terme ».
La 2e capitalisation française en 1900
Durant la Belle Époque, porté par une expansion de l’actionnariat, le Crédit Lyonnais est la 2e capitalisation de la Bourse de Paris, qui compte 4 banques parmi les 6 premières entreprises cotées en termes de volumes.
Expansion 1882 - 1914
Installation du siège central à Paris
Malgré les difficultés de l'année 1882, la succursale de Paris est promue au rang de siège central, consacrant ainsi un déplacement du pouvoir de décision vers Paris. Elle peut désormais s'installer plus au large car l'hôtel dit des Italiens car installé sur le boulevard du même nom, commencé en 1876 sous la conduite de l'architecte Bouwens, est inauguré en 1883. À partir de 1880, une "Bourse du soir" est organisée par les coulissiers, dans le grand hall, de quatre heures à sept heures.
Siège parisien, boulevard des Italiens, façade et hall central.
La Tour Part-Dieu (anciennement Tour du Crédit lyonnais) ou "crayon", est un gratte-ciel de bureaux situé dans le quartier de la Part-Dieu à Lyon.
Ses sept derniers étages abritent le plus haut hôtel d'Europe. Œuvre du cabinet américain Araldo Cossutta & Associates et bâtie entre 1972 et 1977, la tour mesure 164,9 mètres de haut. C'est le plus haut gratte-ciel français qui ne soit pas situé en Île-de-France. Selon les souhaits de l'architecte, le sommet de cette tour se situe sensiblement à la même hauteur que la basilique Notre-Dame de Fourvière. La Tour Part-Dieu possède une forme cylindrique. Son dernier étage est surmonté d'une pyramide de 23 m de haut qui a valu à la tour le surnom de « tour Crayon ».
Marcel Mérieux (né le 16 janvier 1870 à Terrenoire - mort à Lyon le 13 août 1937), est un biochimiste qui a suivi des études de microbiologie à l'Ecole de chimie de Lyon.
Il fut l'un des premiers élèves de l'Ecole, où il eut Raulin pour maitre et Grignard pour camarade. Il réalise une thèse sur les colorants utilisés pour la reconnaissance des microbes. Dès 1894, il choisit d'entrer comme préparateur à l'Institut Pasteur de Paris où il devient l'assistant personnel d'Émile Roux. Il manipule des microorganismes comme le bacille de la peste découvert par Alexandre Yersin et se bat constamment contre le manque d'asepsie dans le milieu médical.
N'étant pas parvenu à créer un laboratoire d'analyses médicales à Paris, Marcel Mérieux essaye de produire le sérum antistreptococcique utilisé pour lutter contre la fièvre puerpérale mais sans réussite au niveau de l'exploitation commerciale. Puis, il fonde en 1897 l'Institut biologique Marcel-Mérieux qu'il installe dans un hôtel particulier construit par son frère, rue Childebert. Cet institut est aujourd'hui appelé Sanofi Pasteur et appartient au groupe pharmaceutique Sanofi-Aventis.
Marcel Mérieux travaille sur la tuberculine (bascille de Koch) et le sérum antidiphtérique. De plus, il est le premier à mettre en place le sérum antitétanique sur lequel travaillera plus tard Charles Mérieux, son fils. Après la guerre, avec l'acquisition d'un terrain à Marcy-l'Étoile, il installe ses chevaux et les utilise pour la fabrication de son sérum anti-aphteux.
Marcel Mérieux meurt en 1937 à l'âge de 67 ans. Son fils Charles Mérieux (1907-2001) lui succède à la tête de l'institut.
La famille Mérieux est une dynastie d'entrepreneurs lyonnais.
Elle est à l'origine des entreprises Sanofi Pasteur, bioMérieux (diagnostic in vitro), Mérial (activité vétérinaire), Biomnis (ex. laboratoire Marcel Mérieux), mais également de la Fondation Mérieux, du laboratoire P4 Jean Mérieux et de l'organisme de formation humanitaire Bioforce.
Généalogie
Marcel Mérieux (1870 - 1937)
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├──> Jean Mérieux (*) (? - ?).
└──> Charles Mérieux (1907 - 2001).
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├──> Jean Mérieux (**) (? - 1994).
└──> Alain Mérieux (1938 - ).
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├──> Christophe Mérieux (1967 - 2006).
├──> Rodolphe Mérieux (1969 - 1996).
└──> Alexandre Mérieux (1974 - ).
Détails biographiques :
Jean Mérieux : médecin, il meurt à 26 ans d'une méningite tuberculeuse contractée dans le laboratoire paternel.
Jean Mérieux (**) (? - 1994) : mort dans un accident de la route en 1994.
Rodolphe Mérieux (1969 - 1996) : victime du crash du vol 800 TWA.
Alexandre Mérieux (1974 - ), administrateur du groupe bioMérieux.
Alain Mérieux (1938 - ) a eu ses trois enfants avec Chantal Berliet, fille de Paul Berliet.