Adolescent, mes librairies étaient, outre la toute petite librairie-papeterie de quartier, la grande institution lyonnaise de l’époque, Flammarion, place Bellecour.
La librairie Flammarion, dans mon souvenir, était vaste et regorgeait de livres remplissant des étagères en bois qui montaient haut le long des murs.
Rachetée, elle a changé d’enseigne devenant « Privat » puis « Chapitre.com ».
Sacrifiant aux sirènes pseudo-moderne du libre-service et des stocks de forte rotation elle a disparu de manière lamentable au début de l’année 2014.
Puis quand j’ai commencé à être un peu plus exigeant, j’ai découvert La Proue.
La Proue avait été fondée en 1947, juste après la guerre par les frères Georges et Raymond Péju. Leur père Elie Péju avait été l’un des grands acteurs de la Résistance à Lyon, fondateur du mouvement « Francs-Tireurs ».
Quand le très jeune Georges Péju (né en 1930, il n'a que 17 ans...) et son frère ouvrent à Lyon la librairie La Proue, ils sont encore marqués par l'esprit de la Résistance, pour laquelle toute la famille a combattu. Engagé à gauche (un autre frère, Marcel, deviendra secrétaire général de la revue Les Temps modernes), Georges Péju conçoit son métier de libraire comme un travail militant. Avec le souci de rajeunir le public du livre comme d'affirmer des goûts et de défendre des idées.
Des décennies durant, La Proue fera souffler, dans une ville aux appétits littéraires encore souvent conformistes et endormis, le vent du large, soutenant les avant-gardes, appuyant activement Roger Planchon et le Théâtre de la Cité, mettant en valeur la poésie, soutenant les écrivains lyonnais de talent (Jean Reverzy, Bernard Simeone), organisant rencontres et expositions (d'Henri Michaux à Georges Perec).
Je me souviens d’être allé à La Proue pour faire dédicacer par Pierre Mendès-France « la République moderne » ; ce devait être en 1962, j’avais 14 ans. Une longue file de clients s’étendait dans le petit escalier qui montait du rez-de-chaussée à la mezzanine et au premier étage où Mendès n’avait pas le temps de répondre aux sollicitations de tous ordres.
Un peu plus tard, Françoise Péju m’a donné envie de lire le premier texte érotique que j’ai rencontré ; il s’agissait, je crois, d’un livre d’André Pieyre de Mandiargues.
« La Proue était un terrible capharnaüm où les livres s’entassaient sur deux étages, en rangées, en piles, en lignes, en tas, éditions anciennes et parutions récentes, les « meilleures ventes » côtoyant les plus mauvaises qui gardaient là toutes les chances de trouver un jour un lecteur. On y circulait avec peine et la difficulté de l’exploration donnait une saveur particulière aux découvertes. L’escalier de bois grinçait, signalant la descente du visiteur avec sa prise du jour, toujours commentée à la caisse. L’endroit ne changeait pas, on n’y sentait pas le temps passer, on avait fini par le croire éternel. Un jour pourtant une lettre arriva, annonçant la fermeture, une belle lettre sur l’amour des livres et du métier. Les libraires s’effaçaient, vaincus….. » citation recueillie sur un blog « Choses vues » reprise dans le rapport de l’ARALD sur les librairies en Rhône-Alpes
La Proue a fermé définitivement sa porte en 2001.
De 1969 à 1978, j’ai animé la librairie Fédérop. Rue des Trois-Maries d’abord, puis nous avons transféré notre activité à l’angle de la rue Ferrachat et de la rue du Doyenné. Aujourd’hui c’est un restaurant brésilien qui s’y est installé.
Robert Bouvier avait racheté la Librairie des Nouveautés, place Bellecour, en 1970.
Il a développé les rayons consacrés aux sciences humaines, à la critique littéraire, à la poésie.
Passionné par le travail de Charles Juliet, ami et voisin, et par Calaferte, il organisait de manière soignée des séances de dédicace.
La librairie diffusait les émissions de France-Culture et Robert Bouvier m'amusait en prenant le "ton" de la chaîne.
L’aventure dure jusqu’en 2008, et le CIC-Lyonnaise de banque, reprend le local…
Il y avait à la même époque la librairie Nouvelle, qui s'était installée en 1974 sur la quai Saint Antoine. C'était une librairie du réseau de "la Renaissance" appartenant au Parti communiste et qui en donnait une image ouverte et moderne. Leur activité principale était organisée en direction des gros comités d'entreprises des usines Berliet, Rhodia,... et des municipalités de la banlieue ouvrière, mais il y avait aussi une offre attrayante de littérature et de livres pour enfants.
Passages, au 11 de la rue de Brest, est installée depuis l'année 2000.
Sur 250 m², l'offre est riche et diversifiée.
Vivement dimanche, rue du Chariot d'or, à la Croix-Rousse, est une librairie animée.
Le Bal des ardents, installé dans la rue Neuve, petite rue du quartier Saint Nizier, défie les "lois" actuelles de gestion de stock avec une offre pléthorique.
La Librairie des arts Michel Descours, installée rue Auguste Comte, près des antiquaires et des galeries, propose un choix important aussi bien en livres neufs qu'en occasions. Elle aussi est née à la fin du siècle dernier.
Liens :
Librairie Passages : www.librairiepassages.fr
Vivement dimanche : www.vivementdimanche.com
Le bal des ardents : www.lebaldesardents.com
Librairie Michel Descours : www.librairie-descours.com
Je reprends ici l'essentiel d'un article de Wikipedia sur l'imprimerie à Lyon à la Renaissance.
Lyon est une des premières villes à avoir un milieu d'imprimeurs et éditeurs riche et varié. Elle devient rapidement une capitale de l'édition à l'échelle continentale, derrière Paris et Venise.
Diffusion de l'imprimerie au xve siècle
La technique de l’imprimerie en caractères mobiles apparaît en France, via les pays allemands, dans le dernier tiers du XVe siècle.
Les véritables inventeurs de l'art typographique à l'aide de caractères mobiles (ou ars scribendi artificialiter), sont, croit-on actuellement, les trois allemands : Johannes Gutenberg, Johann Fust et Peter Schöffer. Leurs deux premiers ouvrages connus, imprimés à Mayence, furent : « Les Lettres d’Indulgence du pape Nicolas V » et une bible couvrant 640 feuillets ; ces deux livres ne sont pas datés mais sont sans doute de 1453 et 1455. Après s'être répandue peu à peu en Allemagne et en Italie, elle fut introduite plus tardivement en France. La première imprimerie fut établie à la Sorbonne, à Paris par Guillaume Fichet et Johann Heynlin, qui firent venir trois imprimeurs anciens élèves de Gutenberg, Michel Friburger (un Lorrain), Ulrich Gering et Martin Crantz pour leur venir en aide. Leur premier livre, le manuel épistolaire de l'italien Barzizza paraît en 1470 et se positionne clairement dans le mouvement humaniste, tant par le choix de l'œuvre que par celui des caractères romains, préférés aux caractères gothiques.
Cette nouvelle technique, qui entraîne par la suite avec retard un certain nombre d'évolutions et de révolutions, gagne ensuite Lyon en 1472 puis de nombreuses autres villes françaises.
À la fin du XVe siècle, Paris et Lyon assurent à elles seules 80 % de la production de livres, l’imprimerie lyonnaise comptant alors une cinquantaine d’imprimeurs. Elles resteront, pour longtemps encore, loin derrière Venise la principale ville de l'imprimerie.
C'est à Barthélemy Buyer, issu d’une vieille famille consulaire lyonnaise, que l'on doit la première imprimerie lyonnaise. Étudiant à la Sorbonne, on pense qu’il y fit la connaissance de Johann Heynlin et de Guillaume Fichet. Pris de passion pour cette nouvelle technique, Buyer installe à son retour, en 1472, sur le quai rive gauche de la Saône, dans sa maison, un atelier d’imprimerie après avoir appelé et pris comme associé le maître-ouvrier typographe Guillaume Leroy ou Le Roy (dit aussi Guillaume Régis), originaire de la région de Liège, qui avait été l’apprenti des maîtres allemands. Buyer assume les rôles d'éditeur et de libraire, et laissait l'impression proprement dite aux soins de Guillaume Leroy. Buyer vendait ses livres en même temps que de la papeterie et du matériel typographique.
Les éditions les plus marquantes :
Reverendissimi Lotharii Compendium breve, en 1473, est le premier livre imprimé à Lyon.
Le Livre des merveilles du monde, en 1475, le premier livre imprimé en français.
La Légende dorée de Jacques de Voragine et traduction de Jean Batallier, en 1476.
Le Miroir de la vie humaine de Roderic, évêque espagnol de Zamora, publié séparément en latin et en traduction française en 1477.
Le Guidon de la practique en cyrurgie, de Guy de Chauliac, en 1478, un livre de médecine.
Opera de Bartolus de Saxoferrato, en 1481, une somme juridique de droit romain, ornée d'illustrations gravées sur bois.
Le Livre de Mandeville, imprimé par Martin Huss en 1481, qui est le dernier ouvrage paru sous son nom d'éditeur.
Sa carrière fut brève mais connut un succès retentissant et une longue succession. Le roi Louis XI et le roi René seraient venus ensemble vers 1476 visiter sa boutique. Dès 1477, il fait travailler le nouvel atelier des allemands Nicolas Philippi (dit Pistoris) et Marc Reinhart. Il étendit son commerce jusqu’à Toulouse (à partir des années 1480) où il posséda même un atelier de presse. Certains auteurs le font pénétrer non seulement le marché français mais aussi les marchés italien (Naples) et espagnol (Madrid).
À partir de 1483, le nom de Barthélemy n’apparaît plus dans l’industrie du livre et les registres consulaires. Guillaume Leroy, à partir de cette date, ou peu avant, semble s’être mis seul à son compte et pourra se vanter de la première édition du « Roman de la Rose », en 1486, pourvue de gravures in-folio. Il disparaît à son tour de la vie active vers 1488 puis des registres après 1493.
De son côté, Jacques Buyer, le frère cadet de Barthélemy, son exécuteur testamentaire, avait repris l’affaire, et paraît avoir fait travailler l’imprimeur allemand Mathieu Huss, établi dans la ville. Ils publieront, dès 1487, « La grant vita Christi et le fameux in-quarto « Tractatus corporis Christi », joliment imprimé avec trois caractères gothiques de différents corps. Il sera échevin à trois reprises. Ses ouvrages sont connus jusqu’à la date de 1509.
L'âge d'or de l'imprimerie lyonnaise
À la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle, Lyon connait une grande phase de prospérité qui correspond à la grande époque de l’édition lyonnaise. À la fin du XVe siècle, Lyon a produit le tiers des éditions françaises, soit 1140 environ. Au cours des trente premières années du XVIe siècle, les imprimeurs-libraires lyonnais produisent environ 5000 éditions. Il faut bien avoir à l'esprit que cette activité est en France très concentrée. Sur l'ensemble des éditions d'ouvrages d'avant 1500, Paris et Lyon représentent 80 % de la production, et même 90 % en 1530.
En 1520, les documents fiscaux du consulat nomment plus de 80 imprimeurs. La rue Mercière et les rues voisines abritent près de 100 ateliers. Entre 500 et 600 personnes travaillent dans ce domaine. Lyon reste malgré tout encore derrière Venise et, à partir de la deuxième moitié du siècle, est dépassée par Paris.
D'après N. Z. Davis, cet essor exceptionnel est dû à trois facteurs. En premier lieu l'absence de métier juré dans le secteur, ce qui a permis à qui voulait investir de le faire. Ensuite grâce à la très bonne tenue des foires de Lyon, qui ouvraient aisément de nombreux débouchés. Les imprimeurs-libraires lyonnais fournissent en livres la péninsule ibérique, et, au-delà, la Nouvelle Espagne. Enfin parce que la ville, toujours en liaison avec les foires, est devenue un centre bancaire important, ce qui a permis de lever facilement des capitaux conséquents. À ces avantages, il faut ajouter que jusqu'en 1495, le métier d'imprimeur échappe à l'impôt. Ces avantages contrebalancent certaines faiblesses, dont la première est l'absence d'université dans la ville.
Au milieu du XVIe siècle, on retrouve des ouvrages imprimés à Lyon dans de très nombreuses villes et pays d'Europe : Francfort, Anvers, Bâle, Genève, Venise, Florence, Pise, toute l'Espagne, en Angleterre, Paris, Bordeaux, Toulouse, Aix-en-Provence, Cahors, Le Puy, Saintes, Nantes.
Entre 1530 et 1560, les plus grandes maisons de marchands-libraires sont les lyonnais Vincent et Senneton, les dauphinois La Porte, les Rouille de Touraine, les piémontais Gabiano, et les florentins Giunta. Les plus prolifiques et novateurs sont Sébastien Gryphe, bientôt suivi par les Jean de Tournes.
Les imprimeurs-libraires
À la tête d'une minorité de ces ateliers se trouvent des « imprimeurs libraires » qui pratiquent leur propre politique d'édition. Ils impriment et diffusent les ouvrages de leur choix.
Le plus réputé d'entre eux est Sébastien Gryphe. En 1528, il introduit le format de poche utilisant les caractères italiques, inventés en 1501 par Aldo Manuce, un imprimeur vénitien. En 1532, il éditera pour François Rabelais, des traductions médicales d’Hippocrate, de Claude Galien et de Giovanni Manardo.
Dans ses ateliers, Gryphe forme Jean de Tournes, qui, établi plus tard à son compte, travaille avec de grands poètes : Antoine Du Moulin, Maurice Scève, Louise Labé, Joachim du Bellay ou encore Olivier de Magny.
À cette même époque, Gryphe travaille également avec Étienne Dolet. Ayant ensuite obtenu le privilège d’imprimeur, Dolet s'installera rue Mercière. Humaniste et écrivain satirique, il sera brûlé à Paris comme hérétique.
Les maîtres-imprimeurs
À la tête du plus grand nombre d'ateliers se trouvent des "maîtres-imprimeurs" qui travaillent essentiellement sur commande pour des marchands libraires (ceux qui financent les éditions et qu'on appelle aujourd'hui des éditeurs). Ils sont tenus à respecter des délais, ce qui implique, pour les compagnons qu'ils emploient, des horaires de travail très lourds.
En raison du déclin des foires et du prix du métal venu d’Amérique, la situation sociale se dégrade. Les imprimeurs choisissent de rogner sur les salaires pour rester compétitifs. Les éditeurs, pour garder leur marge, obligent les imprimeurs à augmenter la production. Les conditions de travail deviennent alors difficiles pour les compagnons des ateliers du livre.
Le « grand tric » des imprimeurs lyonnais
Dans une ville qui a déjà connu des troubles sociaux (ex : La Grande Rebeyne en 1529), les nombreux compagnons imprimeurs (on en compte presque 800 à Lyon vers le milieu du siècle) étaient organisés en confrérie (par exemple celle des Griffarins), et souvent plus instruits que d'autres corporations (ils devaient connaitre le grec et le latin), vivent mal, leurs difficiles conditions de travail que provoquent les maîtres, en employant des apprentis sous-payés, qui occupaient alors, leur place.
Le travail était effectué à moindre frais, ce qui a pour effet en 1539, de pousser les compagnons à conduire ce qui est considéré comme la première grande grève répertoriée de l'histoire de France (on parle alors de « tric ») du salariat. Cette cessation générale du travail durera quatre mois.
Le roi tranchera en faveur des compagnons, ce qui aura pour effet de voir certains maîtres imprimeurs, vexés, aller s'installer dans la ville voisine Vienne située, sur un territoire appartenant au chapitre échappant alors à la juridiction du roi.
Le déclin
Le déclin de l’imprimerie-édition à Lyon s'amorce autour des années 1560. En plus de difficultés sociales et économiques croissantes vont s'ajouter des difficultés d'ordre politiques.
De nombreux éditeurs et ouvriers du livre sont protestants. La ville, aux mains des insurgés réformés en 1562, est reprise par les catholiques. Les imprimeurs fuient alors vers les Pays-Bas ou Genève, nouvelles capitales de l’édition européenne. Toutefois, l'imprimerie lyonnaise de la fin du XVIe siècle, encore mal connue et peu étudiée, reste vivace et novatrice.
Bibliographie
Jean Jacques, Luttes sociales et grèves sous l’ancien régime : vie et mort des corporations, Spartacus, 1970
Richard Gascon, Grand commerce et vie urbaine au XVIe siècle. Lyon et ses marchands, 2 vol., Paris-La Haye, Mouton; Paris SEVPEN, 1971
Natalie Zemon Davis, « Le monde de l'imprimerie humaniste : Lyon », dans Henri-Jean Martin et Roger Chartier, dir. Histoire de l'édition française, tome 1 ; Le Livre conquérant ; du Moyen Âge au milieu du XVIIe siècle, Promodis, 1983, Paris, 629 p.
Beate Hecker, Julien Macho, Esope. Eingeleitet und herausgegeben nach der Edition von 1486. Hamburg 1982, p. XVII-XXII, ‘Der Buchdruck und sein Beginn in Lyon’.
Henri-Jean Martin, « Problèmes d'édition et de mise en texte à Lyon dans la première moitié du XVIe siècle », dans sa Naissance du livre moderne. Mise en page et mise en texte du livre français (XIVe-XVIe siècles), Paris Éditions du Cercle de la Librairie, 2000, p. 210-233.
Quid novi? Sébastien Gryphe, à l'occasion du 450e anniversaire de sa mort. Actes du colloque 23 au 25 novembre 2006 Lyon - Villeurbanne, BM de Lyon - enssib, dir. Raphaële Mouren, Villeurbanne, Presse de l'enssib, 2008.
Jean-Louis Gaulin et Susanne Rau (dir.), « Lyon, nom & marque civile. Qui sème aussi des bons livres l'usage : Lyon dans le réseau éditorial européen (XVe-XVIe siècle) », dans Lyon vu/e d'ailleurs, 1245-1800 : échanges, compétitions et perceptions, Lyon, Presses universitaires de Lyon, coll. « Collection d'histoire et d'archéologie médiévales / 22 », 2009, 228 p.
Lyon 1562, capitale protestante. Une histoire religieuse de Lyon à la Renaissance, dir. Yves Krumenacker, Lyon, Éditions Olivétan, 2009
Étienne Dolet 1509-2009, éd. Michèle Clément, Genève, Droz, 2012 (Cahiers d'Humanisme et Renaissance, n˚ 98).
Philippe Hamon et Joêl Cornette (dir.), Les Renaissances : 1453-1559, Paris, Belin, coll. « Histoire de France », 2009, 619 p.
Antoine Marius Audin est un imprimeur, typographe et historien régional français né le 5 février 1872 à Beaujeu et mort le 15 janvier 1951 à Lyon.
Autodidacte, Marius Audin est surtout connu comme imprimeur et historien des pratiques artisanales liées aux métiers de l'imprimé. Son essai, Histoire de l'imprimerie par l'image (Henri Jonquières, 1929), fut salué en son temps par Lucien Febvre.
De 1892 à 1905, Marius est installé à Lyon comme commis-greffier près du Tribunal de Commerce : ce travail alimentaire lui permet de mener des recherches botaniques. En 1906, par le biais de l'imprimeur Alexandre Rey, patron de l'une des plus grosses imprimeries de la ville, il prend la direction d'un journal d'annonces judiciaires, la Gazette judiciaire, qu'il quittera en 1910 pour le concurrent, les Petites affiches, édité et imprimé par l'imprimerie P. Decléris. Dès lors, le monde de l'imprimerie devient son principal centre d'intérêt.
En 1918, Marius Audin créa à Lyon, rue Davout (qui aujourd’hui porte son nom), sa propre imprimerie et maison d’édition. En référence à la colline de la Croix-Rousse et à celle de Fourvière, il la baptisa « la maison des Deux Collines », qui devînt par la suite l'Imprimerie Audin.
Dans les années 1920, Audin acquiert une certaine réputation en matière d'art typographique, et ce, au-delà des frontières de Lyon. Il rencontre le Britannique Stanley Morison, et, ensemble, publient les Livrets typographiques et une importante étude bibliographique sur une famille d'imprimeurs lyonnais, les De Tournes.
La Somme typographique
Érudit, Marius Audin écrit inlassablement sur l’histoire de l’imprimerie. Il a très tôt l’idée de réunir ses écrits, joints à ceux de ses amis également historiens de la discipline et bibliophiles, dans une grande encyclopédie. Mais l’époque ne se prête pas à une si grande entreprise, la crise des années 1930 est là. L’éditeur Jonquières, bien que passionné par le projet, ne peut pas s’engager. Audin propose alors une publication par petits fascicules thématiques, qui offrirait plus de souplesse. Sept petits fascicules sont produits, mais le projet s’éternise. Ce n’est qu’après la guerre, en 1948, qu’un premier volume de la Somme typographique (Les Origines) voit le jour chez l’éditeur-imprimeur Paul Dupont. La parution a été retardée par des problèmes multiples liés à la guerre, le manque de papier et la mauvaise qualité de celui qu’on peut obtenir. Le second volume (L’Atelier et le Matériel) est publié par Audin lui-même, en 1949. La santé de Marius Audin est très altérée et ses deux fils Maurice et Amable, s’ils continuent son œuvre et gèrent l’imprimerie familiale, ont d’autres centres d’intérêt et sont peu enclins à poursuivre l’aventure de la Somme typographique dans un monde en mutation profonde.
De nombreuses personnalités croisèrent son chemin telles René Arcos sans compter d'importants éditeurs, comme Pierre Seghers, et des illustrateurs comme Louis Bouquet, Jean Chieze, Louis Touchagues, Paul Janin, etc.
Marius Audin est le père de l'éditeur Maurice Audin et de l'archéologue Amable Audin, lesquels reprirent un temps l'imprimerie paternelle.
Maurice Audin est un éditeur-imprimeur français né le 24 mars 1895 à Lyon où il est mort le 10 mai 1975.
Maurice Audin est le fils de l'imprimeur Marius Audin, et le frère de l'archéologue Amable Audin. Il est le fondateur et conservateur du Musée de l'imprimerie et de la banque de Lyon, avec l’historien du livre Henri-Jean Martin et le concours du bibliophile et libraire d'anciens André Jammes.
Il fut également romancier, et créateur de cantates avec César Geoffray et l’auteur de l’Histoire de l'imprimerie, A. et J. Picard, 1972
Amable Audin est un archéologue né à Lyon le 25 juillet 1899 et mort dans la même ville le 25 janvier 1990. Il est l'un des spécialistes du monde gallo-romain de Lugdunum (Lyon).
Fils de l'imprimeur Marius Audin, et frère de l'éditeur Maurice Audin, il appartient à une très ancienne famille d'humanistes et imprimeurs lyonnais. Se passionnant pour l'archéologie depuis sa jeunesse, il effectue sa première fouille à l'âge de vingt ans.
À partir de 1952, il assure la direction des fouilles du site archéologique romain de Fourvière de l'antique ville romaine de Lugdunum (Lyon) et enrichit le patrimoine antique de trois monuments majeurs : l'odéon, le théâtre et l'ex-temple de Cybèle.
Conservateur des collections gallo-romaines de la ville de Lyon, il réussit à convaincre le maire Louis Pradel de la nécessité de construire un musée lyonnais de la civilisation gallo-romaine : le musée gallo-romain de Fourvière voit le jour en 1975, et Amable Audin en est le premier conservateur.
Amable et Maurice Audin partageaient un même bureau, et Amable s'occupait parfois d'édition comme Maurice d'archéologie.
Souvenirs personnels :
j'ai eu la chance de rencontrer quelques fois Amable Audin avant la fin de sa vie. Il dirigeait encore l'imprimerie familiale qu'il s'apprêtait à vendre à l'imprimerie Tixier.
Il a été l'imprimeur de quelques livres que je publiais aux éditions Fédérop. Ce n'était pas un imprimeur ordinaire, il lisait les textes que l'on lui amenait et il discutait sérieusement la pertinence des choix de l'auteur.... Il m'avait aussi longuement raconté que bien des années plus tôt, il avait reçu en face de lui, assis dans le même fauteuil que moi, un étudiant chinois venu lui demander des conseils pour créer une imprimerie. Monsieur Chou est devenu célèbre plus tard sous le nom de Zhou Enlai, Premier ministre de la République populaire de Chine.
Musée de l'imprimerie à Lyon
En 1964, la ville de Lyon, sur l'initiative de Maurice Audin et Henri-Jean Martin, a ouvert un musée de l'imprimerie et de la banque, devenu aujourd'hui le Musée de l'imprimerie.